Que ce soit à Buenos-Aires où elle est née, en Guadeloupe où elle a vécu ses premiers émois d’adolescente ou à la Croix-Rousse où elle vit aujourd’hui, Florence Dupré La Tour se dit capable de vivre n’importe où, tant qu’elle trouve du calme et un coin de table pour dessiner. Si elle se dévoile pudiquement en interview, cette professeur de dessin et autrice de bande-dessinée manie à ravir l’irrévérence dans ses livres. Sage dehors, polissonne dedans.
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Comment es-tu devenue autrice de bande-dessinée ? C’est une rencontre — totalement par hasard — avec Joann Sfar qui m’a amenée à la bande-dessinée. À l’époque, il recherchait des dessinateurs pour adapter sa BD Petit Vampire à la télévision. Comme je sortais de l’école, j’ai dit YES tout de suite. Pendant deux ans, j’ai créé des décors, des personnages, « à la manière de ». Ensuite Joan Sfarr s’est vu proposer la collection Bayou chez Gallimard Jeunesse. Je lui ai proposé des projets. Il a dit oui. Et voilà ! Et si on te dit « demain, tu changes de métier » ? Je pourrais changer de job, mais je n’en ai pas encore fini avec la bande-dessinée ! (Rires). En fait, je déteste me cantonner à un style, un registre, un ton. Du coup, je passe du coq à l’âne sans arrêt et je ne m’ennuie jamais. Aucun de mes livres ne se ressemble. Si je n’avais pas été autrice, j’aurais fait du théâtre, avec toutefois la peur de sombrer dans l’alcoolisme et de finir dans le caniveau. Ou alors dans la musique, dans une veine plutôt punk. Je chante assez mal mais je m’exprime bien sur scène. J’aurais pu trouver ma voie dans un mélange de hurlements sincères. Qu’est-ce que tu détestes dans ton job ? Faire de la bande-dessinée de commande. Je peux le faire à petite échelle, une page dans un canard de temps en temps. Mais je crois que je préfère encore travailler à l’usine, c’est moins fatiguant psychologiquement. Comment expliques-tu ton métier à ton entourage ? C’est très intime, alors j’en parle le moins possible. En plus, en ce moment, je travaille sur un projet autobiographique autour de souvenirs d’enfance. Je mets ma famille en scène et parfois, ça fait grincer des dents. Alors j’évite le sujet. Hors du cercle familial, dans une soirée par exemple, il m’arrive de mentir sur ce que je fais. Je dis que je suis au chômage ou sinon, je dis simplement que je donne des cours de dessin, ce qui est vrai. Dessines-tu Lyon ?
Oui ! Dans un projet autobiographique très décalé publié en blog puis en papier chez Ankama. C’est Cigish ou le maître du Je. On y voit la Croix-Rousse, la Part-Dieu, Perrache, le parc de la Tête d’Or. Tous les lieux incontournables mais c’est ça Lyon ! Tu te vois vivre ailleurs qu’à Lyon ? Tant que je peux dessiner, carrément ! Mais j’éviterais les lieux trop proches de la mer qui m’empêcheraient d’écrire, car j’irais automatiquement rôtir à la plage. À Nantes par exemple ou à Saint-Etienne. Je trouverais intéressant de vivre dans toute les petites villes de province qui ont mauvaise réputation et qui perdent des habitants alors que tout le monde va en ville. J’aime bien ressentir les choses par l’expérience et savoir de quoi je parle. Pour toi, quel est le son de Lyon ? Comme je suis assez distraite, c’est le trrriiiiiit triiiiiiiiit des bus. Le son associé au meilleur moment de ta vie ? Le silence ! Mais c’est plus une quête qu’un souvenir. Ici (elle montre la fenêtre de son appartement), c’est du quadruple vitrage. Il n’empêche que j’adore aussi la musique. Le son de ton mariage ? Rien puisque je ne me marierai jamais (rires). Le son de ton enterrement ? Ah, ça change tout ! Ça sera une fête sur 3 jours avec tout ce qu’on peut faire de musique violente ou drôle. Des mélanges de musique religieuse, d’électro, de rock, de rap. Il y aura, par exemple, un rap chrétien : Magnifique est le Seigneur par TGen King. Un son qui te fait rire ? Il y en a plein. Le pet, bien sûr. C’est assez trivial et universel. Un son qui te fait danser ? Vous êtes des animaux de Mr Oizo. Un son qui te fait pleurer ? La chanson française me fait pleurer souvent. Elle a souvent un côté beauf. Du coup, je dirais radio Nostalgie. Un son qui te motive ? Le zouk ! J’ai détesté le zouk pendant les 4 ans que j’ai vécu aux Antilles et six mois avant de partir je me suis mis à adorer. C’est presque un syndrome de Stockholm. Qu’écoutes-tu quand tu travailles ? J’écris dans le silence le plus total mais je finalise mes dessins avec un peu de musique. Je suis assez monomaniaque, je peux écouter un album pendant un an. J’ai eu une grosse période Beach Boys. La Femme aussi. Ça fait 5 ans aussi que j’écoute Stupeflip. Ton premier amour ? Ma sœur jumelle ! Ton premier baiser ? C’était Xavier. Ah non, je ne l’ai pas embrassé finalement car il avait des trucs blancs au bord des lèvres. Non, c’était un bel Antillais dans une obscure boîte de nuit à Pointe-à-Pitre. J’avais 15 ans. Le dernier ? Mais ça devient très personnel ! Celui que je viens de coller à l’instant contre le goulot de ma bière. La plus belle déclaration ? « Je t’aime », c’est trop classique. Je dirais « Je te comprends » Un livre, un film qui t’a éveillé à la sensualité ? Les onze mille verges, le roman pornographique d’Apollinaire. Mais aussi les pastiches de Gotlib. Tout ce qui n’était pas autorisé dans ma famille et qui se lisait sous la couette ! Tu dirais que Lyon est romantique, érotique ou pornographique ? C’est une ville bourgeoise donc je dirais qu’elle est névrotique et sans doute très porno ! Le spot lyonnais le plus romantique ? Pas un pédalo, mais une barque au parc de la Tête d’Or. Un lieu érotique ? Vaulx-en-Velin ! Il y a plein de mecs en rut alors pour pécho c’est pas mal. Ce n’est pas le décor mais la population qui compte ici. Quoi que… un décor un peu hostile, qui fait un peu peur, qui évoque le danger dans l’imaginaire, c’est excitant. Bon, pour tout dire, j’y suis allée à Vaulx-en-Velin et ce sont des gens sympas ! Un lieu associé à un coup de foudre ?
La Croix-Rousse ! J’y ai vécu et j’y vis de belles histoires. Ton dernier rêve érotique ? C’était il y a une semaine. Je ne citerai personne mais il y avait des gens de mon travail, d’autres qui regardaient et aussi de la famille. Un rêve extrêmement complexe, à la fois agréable et dérangeant. Quel est ton lieu préféré ? C’est un bar : Le bistrot fait sa broc. La clientèle est très hétéroclite. L’ambiance est toujours chaleureuse, parfois débile, on peut parler avec des gens de façon informelle. Ce n’est pas si simple dans d’autres bars. J’aime bien aussi les quais de Saône, plus attachants que les berges du Rhône, même si ça pue la pisse souvent. Un lieu que tu détestes ? L’église des Remparts d’Ainay car mes parents m’obligeaient à aller à la messe. Même si elle très belle, j’en garde des souvenirs affreux. Tout comme ce quartier qui me semblait si froid, si bourgeois, si austère. Le plus insolite ? Je sais ! Le musée des Confluences qui, quand on le voit de loin, ressemble à une sorte de trou du cul. Ça résume très bien l’état d’esprit des Lyonnais : nous sommes tous des trous du cul (rires) ! Où aimes-tu sortir ? Je ne sors plus trop en boîte, ça sent trop la transpiration depuis l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Comme tout le monde, j’allais dans les clubs du 6e aux Brotteaux. Je fréquentais beaucoup les péniches, pour le côté populaire. D’ailleurs, dès que je suis dans un endroit guindé, je me sens obligée de faire de la provocation et ça se termine toujours assez mal. Un esprit de contradiction, j’admets ! Pour boire un verre, je vais surtout au Bistrot fait sa broc ou au 203. Les endroits les plus gourmands ? Le Balthaz’art, rue des Pierres Plantées. La cuisine y est très inventive, c’est un très bon resto ! Il y a aussi les Petits Pères vers l’Opéra et un resto cubain qui me rappelle ma jeunesse en Argentine. C'est la Bodeguita à la Croix-Rousse. Le bistrot fait sa broc
1-3, rue Dumenge 69004 Lyon > 04 72 07 93 47 < Le 203 9 rue du Garet 69001 Lyon > 04 78 28 66 65< Le Balthaz’art 7 rue des Pierres Plantées 69001 Lyon > 04 72 07 08 88 < Les Petits Pères 23 rue de l’Arbre Sec 69001 Lyon 04 78 27 16 84 La Bodeguita cubana 44 rue de Cuire 69004 Lyon 04 72 07 95 47 Aimes-tu magasiner ? Je déteste ! C’est une activité qui me pose problème. Je n’aime pas me sentir dépendante des objets. J’en ai eu longtemps extrêmement peu. J’achète des trucs pas chers car je sais pertinemment que je n’en prendrai pas soin. Je n’ai pas de bijou par exemple. Pour moi, ce sont des prisons. Quand on a un bijou, il faut faire attention, on ne peut pas se rouler par terre parce que ça va l’abîmer. Tu achètes quand même des choses ? Oui et j’ai des manies aussi. Comme le shopping est une activité qui me pèse, quand je vois un vêtement qui me plaît, j’en achète quatre. J’en donne à ma sœur jumelle. Et quand j’ai une contrariété, comme tout le monde, il m’arrive d’acheter une chose en me disant (elle crie) « c’est pour moi », alors que je sais que je ne le mettrai jamais. Aujourd’hui, je vais dans le magasin, je regarde, mais je n’achète pas. J’essaie et je me dis « ah, je ne suis pas bien » et je m’en vais. Quel est ton dernier achat ? Un sac à main. J’avais atomisé le précédent qui finissait par ressembler vraiment à une couille. Au Bal Masqué – Farces et attrapes J’adore cette boutique, j’y traîne, je regarde, j’essaie plein de trucs. Quand je faisais des soirées, je pouvais acheter l’équivalent de 200 euros en farces et attrapes. 2 rue de la Bourse, 69001 Lyon Aux Azalées – Fleurs et plantes J’adore les boutiques de plantes et les fleuristes. Je n’en achète pas forcément toujours. Il y en a une extraordinaire rue Saint-Jean, avec une vitrine délirante pleine de plantes. 14 rue Saint-Jean, 69005 Lyon Centre aquatique Tony Bertrand (ex-Piscine du Rhône) – piscine
En fait, on s’en fout des magasins, alors je choisirai une piscine, celle du Rhône. Je l’adore même si elle est honteusement chère. C’est une piscine Macronienne (rires). 8 quai Claude-Bernard, 69007 Lyon |
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