Dans la rue des antiquaires et des concept stores, entre Perrache et Bellecour, Benjamin Gros tient le café Marmot, réputé pour sa tourte au boudin, son carrot cake, sa jolie déco et ses apéros tricot. Loin des oreilles de maman qui officie en cuisine, le marmot s'est livré à Gone.
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Fais-nous un petit résumé de toi-même. J’ai 33 ans, je tiens le café Marmot depuis 5 ans, en collaboration avec ma chère maman. Que dire de plus… Je suis poisson, ascendant poisson. Ce qui veut dire que je suis très très gentil. Gentil, tu en as l’air ! En parlant de marmot, raconte-nous ta vie de gosse. Eh bien, je viens d’une famille nombreuse de quatre enfants, dont je suis l’aîné. Mon père vient de la Croix-Rousse, ma mère de Vaulx-en-Velin. Moi, j’ai grandi à la campagne, dans la Drôme, vers Crest. J’aurais pu faire mes études à Grenoble, mais j’ai préféré Lyon. C’était plus grand, donc plus tentant. J’ai entamé des études de langues qui n’ont rien donné. J’ai alors quitté Lyon pour voyager. J’ai traversé l’Europe avec un pote, dans un vieux merco trafiqué. Qu’est-ce qui t’a poussé à revenir à Lyon ? Je faisais les saisons, par-ci par-là, avec une amie qui a fini par trouver un job à la Région Rhône-Alpes. Elle m’a emmené avec elle. Je ne me suis pas vraiment posé de question, j’ai suivi le mouvement. Comment passe-t-on de la fac de langues, aux saisons, puis à la restauration ? Top Chef t’a inspiré ? Pas vraiment ! Au départ, j’ai bossé en restauration, c’était un petit job. Et puis dans l’enseigne où je travaillais, j’ai pris du galon. On a fini par me confier la boutique, que j’ai fait tourner pendant un bon moment. J’ai beaucoup appris, mais bon, ça ne s’est pas très bien terminé, alors…. je suis parti. Et comment vient l’idée d’ouvrir un café… avec sa mère ? Beaucoup de gens trouvent ça étrange, mais moi, je m’entends très bien avec ma mère ! Elle avait envie de faire quelque chose, de monter un projet, de se lancer dans l’entreprenariat. C’est très courageux et je suis fier d’elle. Bien que bonne cuisinière, elle n’était pas du métier. C’était donc un gros challenge. J’ai toujours eu confiance en elle, elle a du goût, le sens du détail, nous avons aménagé ce lieu ensemble. Et qui commande ? Ah ah ! Pour ça, chacun son domaine ! En fait, on se consulte tout le temps. Ma mère fait la cuisine. Moi je suis en salle. On n’a pas l’impression que l’un ou l’autre commande ou prend le dessus. Et puis le Marmot, c’est un peu une histoire de famille, mon frère qui travaille dans le bâtiment nous a aidés pour les travaux, mes deux sœurs et mon père passent régulièrement. C’est presque comme une mafia ! Qu’est-ce que tu aimes dans ton travail ? J’apprécie les rencontres, parler avec les gens. Un café est un lieu de passage, il y a des habitués, des gens attachants. On n’a pas vraiment l’impression de bosser, puisqu’on est sans cesse en train de discuter. Tu n’as pas la tête farcie à la fin de la journée ? Un peu parfois ! Être attentif aux gens, ça prend de l’énergie. Et puis les journées sont bien chargées. On a une amplitude horaire plutôt cool : le café est ouvert de 8 à 18 heures, il est fermé les dimanche et lundi. Mais pour ouvrir à 8 heures, il faut avoir fait les courses avant. Et après 18 heures, il y a encore beaucoup de choses à faire ! Qu’est-ce que tu détestes dans ton job ?
Avoir à gérer des clients lourdingues qui puent l’alcool. Ça arrive malheureusement, même en journée. Je ne sers jamais d’alcool le matin, c’est une règle qui évite bien des désagréments. Parfois aussi, certaines personnes te vampirisent pour discuter alors que je n’ai pas le temps. Je reste courtois, mais bon, ça peut être pénible. Alors, qu’est-ce qu’on mange de bon chez vous ? Nos tartes salées ont un petit succès. Ma mère est également une spécialiste du carrot cake. Nous avons d’ailleurs eu un article élogieux sur ce fameux gâteau et du jour au lendemain, des tas de fans de carrot cake ont débarqué. C’était assez surprenant. Il y a une rumeur qui circule : il parait que le Marmot organise des soirées tricot... C’est entièrement vrai ! C’est Nathalie de Nyack qui a lancé le concept. Elle tient une boutique de fringues et vend de magnifiques pelotes de laine. L’atelier tricot se tenait dans un lieu qui a fermé. Du coup, on l’accueille maintenant. Une fois par mois, de 18 à 21 heures, on se retrouve pour tricoter, papoter et boire des coups, c’est très convivial. Je ne me suis pas encore mis au tricot, mais qui sait… Tu envisages de faire d’autres soirées ? Le Marmot peut se privatiser le soir, nous le faisons régulièrement. Il suffit de demander ! Pour toi quel est le son de Lyon ? C’est un vieux souvenir… Il y avait un type qui faisait la manche en bas de chez moi, il jouait du saxophone pour qu’on lui donne des sous, mais il jouait atrocement mal. Le son qui te fait danser ? C’est un peu le grand écart, je peux danser sur du Paul Kalkbrenner ou sur Rihanna. Je danse partout, dans ma cuisine, chez des amis, j’aime beaucoup ça. Le son qui t’inspire ? Quand je cuisine, j’aime bien mettre de la folk hyper tranquille, du John Maus… Le son qui te rend heureux ? Pour moi, rien ne vaut une bonne funk ! Le son qui te rend triste ? Mon réveil ! J’ai du mal à me coucher, donc du mal à me lever. Le réveil a un côté triste. Sinon, la musique d’Ismaël Lo est mélancolique, j’aime aller chercher de l’émotion dans cet univers. Ça me rend à la fois triste et heureux. C’est intéressant d’aller titiller des émotions qu’on ne vit pas tous les jours. Je sais qu’avec ce genre de musique, je retrouverai à chaque fois ces sensations. Le son de ton mariage ? Je me suis souvent posé cette question. Ça pourrait être Christine and the Queens. Bon, j'avoue, j’ai un peu piqué l’idée à ma cousine. Le son de ton enterrement ?
Un truc qui fasse chialer tout le monde. Un bon Céline Dion. Mais alors à fond, gorge déployée et bras ouverts. Tu travailles toujours avec de la musique en fond, est-ce que tu n’es pas saturé au bout de la journée ? Non, je ne m’en lasse pas. Je vis tout le temps en musique. Au café, je passe des albums qui viennent de sortir, je passe des playlists sur mon Spotify. Je ne suis pas très musicien, même si j’ai fait un peu de clarinette, du piano et bien sûr, du solfège. Le solfège, ça tue l’envie de faire de la musique quand t’es enfant. Ça fait mal. Maintenant, j’aimerais bien bidouiller, mixer, bricoler des sons. J’ai des amis qui font ça. Mixer devant une foule en délire, ça doit être incroyable. Mais je n’ai pas assez de temps pour ça, malheureusement. Le son qui te fait rire ? Alors c’est un type brésilien, dont je ne me souviens plus du nom, et quand il chante, on dirait qu’il rigole. Dès que je l’écoute, je suis plié. Une sorte de Franky Vincent brésilien. Quel est ton statut du moment ?
En couple. Depuis longtemps. Mon compagnon est dans l’immobilier. Parle-nous de ton premier baiser. Je ne m’en souviens pas… Il y en a eu tellement que… je sèche. Et du dernier Le dernier, je m’en souviens, c’était le bisou de « passe une bonne journée » ! Une anecdote honteuse à partager ? Oui, j’en ai une assez honteuse. Mais… joker ! Un livre, un film qui t’a éveillé à la sensualité ? Plutôt un film. De toute façon, à 15 ans, le moindre truc t’éveille ! Peut-être… Basic Instinct. Je sais, c’est un peu cliché… Pour toi, Lyon est une ville érotique, romantique ou pornographique ? Je dirais romantico-pornographique. À la campagne, je ne pouvais pas être moi-même. Lyon favorisait l’anonymat, il y avait du potentiel. Donc au début, Lyon a été pour moi une ville d’expériences, à la fois excitante et romantique. Les endroits à Lyon où tu aimerais faire des choses olé olé ? Je n’ai pas d’endroit précis en tête, ça peut être n’importe où. Je ne fantasme pas sur des lieux. Le spot le plus romantique à Lyon ? Je pense aux petits panoramas des jardins de Fourvière. Chez les curés (rires) ! Trouves-tu les Lyonnais sexy ? Oui potentiellement. Je vais leur faire plaisir : oui. Quel magasineur es-tu ?
Je n’achète pas beaucoup. J’aime les fringues, la déco mais je ne suis pas un grand dépensier. Il y a quand même des endroits que j’aime bien, comme Dope, Gap, Summer. Comme je ne suis pas compulsif, ni hyper consommateur, je ne suis pas dépendant des objets. Je n’ai pas d’attaches sentimentales. Tu n’as pas gardé ton doudou de quand tu étais petit ? Non, je ne l’ai pas gardé ! Je suis attaché aux gens, mais ça, ça ne s’achète pas. C’est beau ce que tu dis. Et quels sont les magasins que tu ne fréquentes jamais ? Je n’aime pas les pharmacies. Quand je suis malade, je ne me soigne pas, j’attends que ça passe. Il faut dire que quand je suis malade, je suis pénible, je me plains beaucoup… sans me soigner. Et ceux que tu adores ? Les magasins de bricolage, les quincailleries, il y a tout ce bric-à-brac… pourtant, je ne suis pas du tout bricoleur, mais j’aime bien farfouiller. Quel est ton dernier achat ? Heuuu… j’ai mis de l’essence dans ma voiture. Ça compte ? En fait, quand je veux acheter quelque chose, je prends du temps, je compare, je fais presque une étude de marché. C’est un acte très réfléchi. Il ne t’arrive jamais d’acheter un truc immettable ? Si, bien sûr ! C’est souvent pendant les soldes, d’ailleurs. J’achète une fringue que je ne mets jamais, et ça traîne dans mon armoire, elle me provoque. La dernière en date, c’est une magnifique chemise avec des motifs d’artichaut. Jamais portée. Tu es plutôt Part-Dieu ou Confluence ? Je préfère Part-Dieu parce qu’il y a plus de choses. Je n’habite pas très loin, et même s’il est de bon ton de dire « j’ai horrrreuuur de la Part-Dieu », eh bien je trouve que franchement, c’est pratique. Sinon, Confluence, je trouve ça un peu fake. Le magasin où tu aimerais te faire enfermer pendant une nuit ? Certainement une immense pâtisserie, parce que je suis gourmand. Par exemple, chez Bouillet, à la Croix-Rousse. Où fais-tu tes courses ? Comme tout le monde, au Super U. En général, comme je suis pressé par le temps, je vais au plus pratique, sauf quand j’ai du monde à la maison. Autour du Marmot, il y a de supers commerçants, donc j’aime bien aussi faire un petit tour chez le fromager, le boucher. Quel magasin manque à Lyon ? Ça n’est pas un magasin, mais plutôt une vraie boîte de nuit de trentenaires, pas prout prout. Il manque un Berghain. À Lyon, les gens ne se mélangent pas. Tu vas te retrouver soit avec des jeunes de 20 ans qui font des selfies, soit avec des quarantenaires qui te parlent immobilier toute la soirée. Il n’y a pas d’endroit où tout ça se mélange. C’est dommage. Mais la France est un peu comme ça aussi. Quel est ton quartier de prédilection ? Le quartier de la Charité, dans le 2e. C’est un quartier très sympathique, très petit village. Les gens sont curieux, ouverts, il y a une vraie connexion. Le lieu le plus insolite à Lyon ? Je ne sais pas si ça existe encore, mais je dirais le Look bar. Quand j’y allais, il y avait cette pénombre, ces bouquets de fleurs fanées. Bon, ça a dû devenir un repaire de jeunes en école de commerce qui veulent s’encanailler. Mais à l’époque, c’était vraiment un lieu improbable. Quel est ton lieu « Madeleine de Proust » ? Le parc de la tête d’or. Quand j’étais petit, on montait à Lyon voir des cousins, on allait faire une balade au parc, je mettais mes rollers et j’étais trop content (rires) ! Et le lieu que tu fréquentes le plus ? Certainement le Troquet des Sens, un très bon bar à vin qui fait des planches, des tapas. Ce sont des amis qui tiennent le bar, je suis sûr de toujours y trouver des gens sympas. Celui que tu détestes ? L’Hippopotamus ! Aujourd’hui, te vois-tu vivre ailleurs qu’à Lyon ? Oui. Par exemple, je me vois bien vivre au bord de l’eau, plus au sud, vers la Méditerranée. J’aime beaucoup Lyon, j’y suis attaché, mais je ne m’interdis pas de partir, à condition d’avoir un projet. J’aimerais monter un lieu avec de l’hébergement, qui serait dans la continuité de mon métier. Toujours de l’accueil, de la convivialité, mais autrement. Qu’est-ce qu’il manque à Lyon ? La mer ! La nature ! Plus je vieillis, plus je comprends les vieux qui veulent aller à la campagne. Beaucoup de gens ont envie de ça. Au final, à Lyon, beaucoup de gens viennent de la cambrousse, il y a peu de « quenelles pure souche » (rires) ! Du coup, au bout d’un moment, les gens veulent repartir se poser dans la campagne, ils en ont la nostalgie. Tu aimerais vivre dans une maison ? Je n’irais pas me poser dans une maison, si c’est pour être dans une banlieue merdique, genre… Saint-Priest. Désolé pour Saint-Priest, mais bon ! Si je pars de la ville, je veux être loin de la ville. Et plus au sud car, oui, j’aime la chaleur. Quelles sont les bonnes adresses du Marmot ? Il y a le café Sillon, dans le 7e, c’est très bon. Je vais aussi à la Bijouterie, à l’Antiquaire. J’aime les lieux qui ont une identité, une personnalité. C’est un peu le problème, à Lyon. Quand il y a une mode, tout le monde s’engouffre dedans et tous les lieux finissent par se ressembler. Alors, c’est quoi la sale mode du moment ? C’est le côté scandinave. Épuré, bois clair… tout le monde fait ça, et au final, ça manque d’âme. C’est la victoire d’Ikea. Le Troquet des sens
34 rue des remparts d’Ainay, 69002 Lyon 04 78 37 22 23 La Bijouterie – restaurant 16 rue Hyppolite-Flandrin, 69001 Lyon 04 78 07 14 03 L’Antiquaire – bar à cocktails 20 rue Hyppolite-Flandrin, 69001 Lyon 06 34 21 54 65 Le café Sillon – restaurant 46 avenue Jean-Jaurès, 69007 Lyon 04 78 72 09 73 Parce que le Marmot, c'est avant tout une histoire de famille. Parce qu'il y a Benjamin mais aussi sa maman. Parce qu'il y a le menu mais aussi la déco. Parce qu'il y a le café du matin, le repas du midi, l'apéro et l'apéro tricot... Pour toutes ces raisons, Colocho nous livre un pêle-mêle de tout ça. Colocho vit et travaille à Villeurbanne. Illustrateur un temps pour Terre sauvage, la Cité de la musique et le groupe Belle & Sebastian, il se consacre désormais à la bande dessinée, avec un ouvrage qui sortira en 2018 aux éditions Vide Cocagne. Il dévoile ses vignettes régulièrement sur son blog.
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