La suspension soudaine du projet d’ordinateur quantique à la NASA n’est pas un simple revers technique. C’est l’annonce d’un changement de cap dans la bataille technologique, au moment où la Chine accélère et rebat les cartes de la suprématie numérique mondiale. Ce retrait met à nu une réalité que beaucoup préféraient ignorer : la cybersécurité, la souveraineté et la solidité de nos systèmes sont loin d’être acquises.
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Ordinateur quantique : où en est la recherche mondiale aujourd’hui ?
L’informatique quantique ne cesse de faire parler d’elle. Si la NASA se retire, la fébrilité mondiale autour de cette technologie ne retombe pas. Google s’est offert le premier coup d’éclat en 2019, en annonçant avoir réalisé en 200 secondes un calcul que le plus performant des supercalculateurs classiques aurait mis 10 000 ans à compléter. Depuis, une véritable course de fond s’est engagée, où IBM, Intel et Microsoft injectent des moyens colossaux pour multiplier les qubits et stabiliser la fameuse cohérence quantique.
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De son côté, la Chine ne relâche aucune pression. L’université des sciences et technologies du pays enchaîne les publications et annonce déjà un prototype à 66 qubits. En Europe, la dynamique reste fragmentée mais soutenue : entre les financements européens et des clusters publics-privés, le vieux continent tente d’exister dans un domaine où chaque avancée compte. Les architectures, elles, restent éclatées : supraconducteurs, ions piégés, photons, silicium… chaque camp défend sa vision du futur quantique.
Voici quelques axes qui structurent cette course effrénée :
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- Conception de nouveaux algorithmes quantiques pour des tâches d’optimisation ou la simulation de systèmes chimiques complexes,
- Travail de fond sur l’erreur quantique et la manière de la corriger,
- Renforcement des synergies entre industriels et laboratoires universitaires,
- Déploiement progressif dans des secteurs comme la finance, la santé ou la logistique.
La promesse reste inchangée : résoudre des équations et des problèmes que les ordinateurs classiques ne savent tout simplement pas traiter. Pourtant, la fiabilité de l’ordinateur quantique universel est encore loin d’être acquise. Les applications concrètes, elles, se préparent dans l’ombre, portées par des consortiums où la discrétion est souvent la règle.
Pourquoi la NASA a-t-elle mis fin à ses travaux sur l’informatique quantique ?
La NASA n’a jamais caché son appétit pour l’innovation. Depuis 2013, elle faisait équipe avec Google et D-Wave pour explorer ce que les ordinateurs quantiques pouvaient vraiment offrir. Mais la décision d’arrêter n’a rien d’un coup de tête. Elle s’inscrit dans une suite de réévaluations stratégiques, dictées par la maturité effective de cette technologie.
Le problème ? Faire passer ces machines à l’échelle reste un défi, et la stabilité des qubits est bien trop fragile. Les machines D-Wave, basées sur l’optimisation quantique, n’apportent pas de solutions universelles et plafonnent dès qu’il s’agit de traiter de gros volumes de données, un enjeu central pour les missions de la NASA. Les grands espoirs d’une puissance de calcul démultipliée se heurtent à la réalité d’algorithmes quantiques qui peinent à dépasser la phase de test.
Face à ce constat, l’agence spatiale a tranché : ses budgets iront désormais à des technologies immédiatement utiles à l’exploration spatiale. Les partenariats avec Google se sont eux aussi réorientés : l’intelligence artificielle et l’analyse intelligente des données prennent le relais. La NASA ne tourne pas totalement la page, mais attend un vrai saut technologique avant de revenir à la table quantique.
Cryptographie post-quantique : un nouveau défi pour la sécurité des données
La mise en pause des ambitions quantiques de la NASA ne fait qu’attiser l’urgence autour de la cryptographie post-quantique. Le spectre d’un ordinateur quantique opérationnel, capable de casser les codes actuels, pousse tout un secteur à anticiper la brèche. Les méthodes de cryptage en vigueur, basées sur la difficulté de certains calculs, comme RSA ou les courbes elliptiques, se retrouvent sous la menace directe d’algorithmes quantiques tels que celui de Shor, capables, sur le papier, de les rendre inopérantes.
Le NIST s’est imposé comme chef d’orchestre. Il supervise et valide la nouvelle génération d’algorithmes cryptographiques conçus pour résister à la tempête quantique. Plusieurs protocoles sont en lice, analysés sur leur robustesse et leur compatibilité avec les infrastructures existantes. Des sociétés telles que PQShield travaillent déjà à l’intégration de ces solutions dans des réseaux concrets, tout en gardant un œil sur l’évolution rapide des risques.
La sécurité des données s’impose désormais comme un terrain d’expérimentation global. Les banques, les administrations, les industriels s’activent pour préparer le passage vers une cryptographie post-quantique. Plus qu’une prouesse technique, il s’agit de restaurer la confiance dans les transactions numériques, alors que la date d’arrivée d’un ordinateur quantique universel reste une inconnue. Le risque, lui, est bien réel : chaque donnée chiffrée aujourd’hui pourrait, demain, être exposée si la rupture quantique se produit.
Chine, États-Unis, Europe : la course à l’innovation quantique se poursuit
Impossible de mettre sur pause la technologie quantique. Si la NASA fait un pas de côté, la rivalité mondiale ne connaît, elle, aucun répit. Chine, États-Unis, Europe : chaque bloc avance ses pions, avec sa propre méthode et son propre tempo.
Aux États-Unis, c’est le secteur privé qui mène la cadence. Google, IBM, Microsoft, Intel investissent sans compter dans l’informatique quantique. Leurs équipes rassemblent physiciens, ingénieurs et informaticiens pour pousser toujours plus loin la maîtrise des qubits et inventer de nouveaux algorithmes quantiques. La suprématie quantique reste l’objectif affiché, avec des applications dans l’optimisation industrielle, la modélisation moléculaire, la logistique ou la finance.
En Chine, l’unité fait la force. Universités, centres de recherche, industrie : tout avance de front, piloté par une stratégie nationale claire et des investissements massifs. L’université des sciences et technologies de Chine s’impose, en développant des technologies quantiques pour la santé, la chimie ou la sécurité numérique.
L’Europe, elle, joue la carte de la coopération. L’Union européenne met en place des programmes comme Quantum Flagship, tandis que la France, l’Allemagne et les Pays-Bas se distinguent dans l’intelligence artificielle, le machine learning et la découverte de médicaments via des technologies quantiques. Les alliances entre pays et secteurs industriels dessinent un paysage où la recherche fondamentale côtoie l’application industrielle, du pharmaceutique à la logistique en passant par la finance.
La compétition ne se joue plus seulement dans les laboratoires. Elle façonne désormais une nouvelle géopolitique, où chaque avancée technologique devient un enjeu de souveraineté et d’influence. L’ordinateur quantique, qu’il arrive demain ou dans dix ans, a déjà rebattu les cartes du pouvoir scientifique mondial.